Résidence de création à Saint-Élie-de-Caxton 2025

Journal de bord d'une conteuse en résidence!

Par Isabelle Crépeau, récipiendaire 2025.

 

Semaine 1

Du 1 au 6 avril 2025

J’entends les oiseaux par la fenêtre. Ils profitent de ce petit matin de printemps avant le retour de la neige annoncé cette semaine.

Je suis arrivée à Saint-Élie, ça fera une semaine ce soir. Semaine bien remplie ! Je croyais que je mettrais du temps à m’adapter à mon nouveau cadre, mais dès mon arrivée, j’ai été happée par la magie des lieux. J’ai décidé de ne pas garder la voiture. Je marche chaque jour et découvre les rues vivantes, les caxtonniens au regard pétillant, des écureuils affairés, les corneilles loquaces, des chats indépendants et les beaux grands pins qui me saluent poliment quand je passe sous leurs branches.

Pour l’inspiration, je me suis entourée des photos de mes petits-enfants, des livres qui ont nourri ma recherche, d’un agrandissement de cette photo intergénérationnelle où le bébé que j’étais est entouré par ma mère, ma grand-mère et mon arrière-grand-mère.

Mardi. Je rejoins Stéphanie Paradis, la très gentille journaliste de l’Écho de Maskinongé, sous la yourte de Chez Mel et Nico — Autour d’un café. Là même où je ferai ma sortie de résidence le 26 avril prochain pour offrir une première fois devant public le panier de fruits de ce mois de travail ! L’endroit est chaleureux, Mel et Nico accueillants, et le pain aux bananes vraiment délicieux ! Stéphanie prend tout le temps de m’écouter et pose ses questions fort pertinentes sur mon processus de création et mon projet : L’hypothèse de la grand-mère. Dès le lendemain, j’ai la surprise de me voir en une du journal.

Mercredi. L’énergique Johanne me fait faire le tour de son village. Au gré du hasard de la marche, elle me présente les gens que l’on croise, les commerçants chez qui on entre. Je me suis levée tôt, comme je le ferai chaque matin — je suis une matinale — j’ai eu le temps d’étaler mes notes, mes petits et mes grands papiers, mes crayons et la branche de ma lignée maternelle pour me faire un espace créatif sur une grande table. Je commence tout de suite à profiter de la lumière naissante du jour pour écrire, rêver, imaginer, créer. Ce sera ma routine tout au long du mois. Je suis une fille du petit matin !

Jeudi. Lever tôt, écriture. Il y a du verglas dehors. Les aiguilles du grand pin sont toutes recouvertes de glace. Le décor, par la fenêtre, a quelque chose d’irréel. Je reçois un appel, Gilbert m’invite à me joindre à leur groupe qui célébrera la fin de leur session de cours de l’université du 3e âge. Je rejoins la trentaine de personnes sous la yourte. Des beaux échanges avec des grands-mères et des grands-pères aux cœurs bien verts ! Les conversations sont animées, pertinentes et engagées. On m’invite à faire un petit conte. Je choisis de raconter l’Oiseau du bonheur, une histoire que Simon Gauthier avait donnée en cadeau à Natashquan et que je porte en son nom depuis en l’offrant chaque fois que j’en ai l’occasion dans l’espoir qu’elle se transmette et se répande dans le paysage. Ici, plusieurs personnes ont connu et aimé Simon. L’histoire rejoint et continuera à se propager !

Vendredi. Un saut à la boulangerie pour l’odeur, la saveur et pour jaser avec la boulangère, une Héroux, comme ma rousse grand-mère. Elle me parle de l’esprit de communauté et de coopération si fort et important, ici. Je retourne à ma table à travail avec une délicieuse chocolatine à déguster.

Samedi et dimanche. Céline Jantet, la conteuse qui a accepté d’assurer un regard bienveillant et stimulant sur mon travail de création, me rejoint. Ensemble, nous faisons un saut au lancement du livre de Catherine Bard, Le Saltimbanque, publié chez Planète Rebelle. L’histoire est inspirée par le passage de l’ami Simon à Saint-Élie, tout juste avant son grand voyage vers les étoiles. Je suis touchée au cœur par le texte et les images de cet album magique. Puis, Céline m’entraîne dans un intense marathon de création. Elle a tout préparé pour me faire vivre différents exercices de visualisation créatrice, elle a préparé des questions pertinentes pour déclencher mes réflexions et approfondir mes intentions. Au surplus, à son départ, dimanche, elle me laisse un coffre bien rempli d’outils à utiliser en cas de panne !

Généreuse et à l’écoute, pour moi, elle est la fée marraine de l’hypothèse de la grand-mère !

 

Isabelle, La Louve

Saint-Élie-de-Caxton, 7 avril 2025

 

Semaine 2

Du 7 au 14 avril 2025

Lundi. Pour donner une couleur à ma journée de création, je pige dans l'enveloppe de cartons colorés que m'a laissée Céline Jantet avant de repartir, dimanche. Sur un côté du carton peint en bleu, de lis RESPIRE... De l'autre côté: Entrer dans mon PALAIS MENTAL Merci Céline! J'accroche le carton à la cordelette qui me sert à afficher des inspirations.

Après avoir bien profité de mes heures matinales d'écriture et de quelques exercices de créativité parmi la liste que m'a laissé Céline, je décide de sortir profiter du soleil et du grand air. Cette fois, j'ai compris que la barrière est un leurre, qu'on peut passer de part et d'autre et je monte le calvaire pour découvrir un fabuleux point de vue sur le paysage d'ici. Deux femmes et un gentil toutou arrivent à leur tour en haut de la colline. Une d'elles, Hélène, m'a été présentée par ma « marraine de résidence », Johanne, la semaine précédente. Je l'ai recroisée déjà à la petite épicerie Vroum Vrac, où elle travaille. Nous nous mettons à jaser toutes les trois, elles me disent vouloir venir m'entendre le 26. Je suis ravie. Au fil de la discussion, nous nous apercevons que nous avons fréquenté la même école secondaire, à Montréal, et qu'elle y a connu mon petit frère. Le monde est petit, mais pour s'en rendre compte, il faut jaser!

Mardi m'apporte une tempête de neige assez solide. Le paysage est tout transformé et je reste au chaud à travailler et avancer le plus possible toute la journée. Je pige un autre carton: Orange. LE NON-EFFORT Ça, ça me convient! Haha! Verso: Je suis ce que j'aime. Le vent qui agite les branches et fait tournoyer les flocons entraîne aussi une accumulation formidable d'idées que je dois noter et trier pour ne pas en perdre le fil. En fin d'après-midi, comme je suis à la tâche depuis avant l'aube, mon cerveau crie « Batterie basse! Besoin de recharger! ». Je tente une petite sieste, sans grand succès, alors je sors prendre l'air dans la tempête qui dit ses derniers mots en radotant un peu. Je rencontre un monsieur dans les bois qui s'arrête pour me saluer et qui me confie que la saison des sucres est bonne cette année, mais que pas une goutte ne coule en cette journée de retour d'hiver!

Mercredi. Je travaille tout l'avant-midi avant de partir chercher ma mère qui viendra dormir deux nuits pour nourrir ma recherche sur différents personnages de mon histoire. Je récupère la voiture jusqu'à vendredi. Nous avons beaucoup parlé, avant d'aller dormir ma mère et moi. En chemin, nous nous étions arrêtées au Magasin Général Lebrun de Maskinongé. Un endroit extraordinaire où on retrouve un musée, une boutique, un café et une salle de spectacle. Un petit voyage dans l'histoire! À la sortie, nous rencontrons Ruth Elen Brosseau, candidate pour la prochaine élection et qui a été députée du comté déjà pendant huit ans. Je discute avec elle du projet sur lequel je travaille, et aussi de la place des femmes en politique et nous évoquons les difficultés particulières qu'elles rencontrent. Ma mère est ravie et me témoigne de son admiration pour cette femme.

Jeudi. Visite de Yamachiche avec ma mère. Nous nous arrêtons au cimetière pour vérifier des détails sur les pierres et pour que je puisse rencontrer un personnage important de l'hypothèse de la grand-mère : la statue de celle qu'on appelle « La bonne Sainte-Anne », une figure de grand-mère mythique! Elle m'apparaît bien impressionnante, mesurant presque trois mètres, ses mains sont immenses et solides. Elle tient un livre dans la gauche et tend l'autre. Ses yeux semblent nous deviner: « On dirait qu'elle te regarde », dit ma mère.

Puis nous nous sommes rendues à Sainte-Angèle pour aller entendre les histoires du conteur Guy Duchesne, dont j'ai été ravie de découvrir l'univers et les personnages plus vrais que vrais qui y habitent.

Vendredi matin, je reconduis ma mère chez elle. La tête et le cœur rempli des confidences de cette grand-mère, arrière-grand-mère si intelligente et vive. Son regard sur le monde d'aujourd'hui nourrit mon travail. À mon retour, je m'empresse de noter tout ce que ces moments intenses et précieux m'ont inspiré.

Samedi. Johanne vient me chercher pour assister à une activité de médiation autour du travail et de l'exposition Porter de l'artiste Anne Billy à la Petite Place des Arts de Saint-Mathieu. Quelle belle invitation de sa part! L'artiste a travaillé à partir des agendas qu'elle a offerts à son père alors qu'elle était son aidante naturelle en fin de vie. Le fils de l'artiste a également contribué à l'œuvre, comme modèle, avec son grand-père. Nous avons pris le temps de mieux comprendre la démarche de création de cette très touchante exposition avant d'être plongées dans la création de trois images exprimant ce que chacun et chacune de nous « porte » en soi. Nous étions invitées à assembler nos images en les cousant à la manière de l'artiste. Nos dessins seront rassemblés pour former une œuvre collective inspirée de l'exposition.

Les liens entre cette démarche et mon projet en création étaient très évidents. J'ai pu échanger à ce sujet avec Anne Billy à la fin de l'atelier. J'ai découvert un lieu d'une grande vitalité culturelle qui rejoint toutes les générations et qui est incroyablement vivant et dynamique. La culture, ça se vit aussi hors Montréal!

Dimanche un peu plus tranquille. Je prends le temps, surtout, de travailler sur la structure de mon projet pour relier les différentes parties qui le constituent. Je me sers d'une porte pour y accrocher une installation qui me permet de mieux visualiser la chose. Une petite visite de mon amoureux en fin de journée me permet de sortir un peu de ma tête!

Ce matin je me suis plongée tôt dans l'écriture et la recherche pour mieux visualiser un épisode. 11 juillet 1957... Je lis les journaux, j'écoute la musique pour mieux me conditionner l'imaginaire pour le situer à cette date. Comme il y a un aspect historique à mon projet, malgré le côté magique et merveilleux des histoires, je dois tout de même pouvoir me plonger dans les réalités des époques traversées!

Cette fois, je choisis un carton à dessin: côté roue et noir: SPIRALE côté violet: Confiance... Je glisse dans cet espace où tout est possible... (Merci, Céline, de continuer à veiller à travers ces messages).

Tantôt, je profiterai du beau soleil qui m'appelle pour marcher et retourner faire un tour, en quête d'humains, sous la yourte, pour me changer de décor!

 

Isabelle, La Louve

Saint-Élie-de-Caxton, 14 avril 2025

 

Semaine 3

Du 14 au 21 avril 2025

Je ne sais pas encore si c'est le merveilleux, le légendaire ou le magique qui fait en sorte que cet endroit nous entre si vite dans le cœur. Il y a un danger qui nous guette ici, c'est de ne plus vouloir en partir. Plusieurs des personnes que j'y croise et y rencontre ont vécu la même histoire: venues pour un court séjour, voire même pour une visite de quelques heures, elles n'ont jamais pu en repartir vraiment. Du moins, pas longtemps. L'envie de s'y établir s'est insinuée furtivement et les a saisies à l'âme au moment de quitter, ne les a plus lâchées ensuite jusqu'à ce qu'elles y cèdent à bout de résistance. Je soupçonne que les lutins versent peut-être dans l'eau quelques philtres magiques concoctés par une des sorcières du village...

Celles et ceux qui sont passés par ici vous le diront: on quitte peut-être le village, mais Saint-Élie ne vous quittera plus!

Heureusement, j'en ai encore pour une belle semaine de ce lieu d'inspiration!

Cette troisième semaine a été tressée de voyages dans le temps:

Mardi 15 avril. Tant de fils à rattacher. Je m'attarde sur des détails qui n'en sont pas... Je vérifie les lieux, les époques, les contextes... Les histoires reliées que je vais raconter se déroulent à différentes époques, dans différents lieux et différentes occasions. C'est un défi de rester le plus cohérente possible pour créer le cadre réaliste que je souhaite pour les événements merveilleux qui s'y déroulent. Aujourd’hui, je plonge en 1639. J'essaie de lire ou relire ce que j'avais trouvé concernant l'arrivée de Marie de l'Incarnation en Nouvelle-France. Ça vient m'aider à faire apparaître tout un pan manquant de ce que je veux raconter.

Mercredi. 1739. Un bon de 100 ans en une nuit. Je plonge dans un jour de noces. Mais encore cette fois, il faut chercher un peu pour m'assurer de certains détails pour ajuster l'assaisonnement de cette histoire que j'ai mijotée. Pour m'inspirer: un peu de musique sacrée. Dommage, je n'ai pas d'encens pour l'odeur...

Jeudi. 1809 et 1939. Une naissance, un autre mariage. Yamachiche, puis Montréal. Je revisite des souvenirs de navigation en consultant la carte du Saint-Laurent pour une histoire et je passe à la boulangerie pour prendre une bolée de l'odeur du pain pour la seconde. J'écoute ce qui jouait à la radio en 1939: Piaf, Chevalier, Tino Rossi...

Je termine la journée en racontant à voix haute, pour une première fois, l'ébauche de cet enchaînement d'histoires que je brode.

Vendredi. 2025 et 2099... Le matin, je rejoins Céline pour un petit rendez-vous en visio. On en profite pour discuter de l'avancée de la chose. Je choisis d'écouter des hymnes féministes et autres chansons de femmes engagées. J'ai découvert Mathilde pendant ma résidence avec À la gloire des femmes en deuil. Aujourd'hui, j'écoute Libre! Puis je réécoute Anne Sylvestre, Pauline Julien et un chant militant ouvrier des Italiennes dans les rizières: La Lega et je visionne une performance collective au Chili: Un violador en tu camino (un violeur sur ton chemin). Tout ça vient alimenter l'écriture d'un passage en forme de manifeste qui sera vraisemblablement intégré à L'hypothèse de la grand-mère. Enfin, quelques recherches du côté des changements climatiques appréhendés dans les prochaines années et de leurs impacts possibles...

Un carton tiré de l'enveloppe laissée par Céline, cette semaine: PROFITER DE LA NOIRCEUR - Je pratique la patience.

Samedi et dimanche. Pâques, ses traditions et ses gourmandises me convient à un rendez-vous de grand-mère. La magie de me retrouver quelques heures avec mes petits-enfants vient aussi nourrir ma création.

Aujourd'hui, lundi 21, j'entame une semaine marathon. Je dois boucher tous les trous, consolider les liens, préciser les images. Rien ne sera définitivement terminé pour le 26.  Ça restera en chantier, ça pourra continuer à évoluer. Mais il y aura des histoires à raconter, des univers à découvrir et une magie à partager... Une grande fébrilité de compte à rebours m'habite dès que j'y pense! 

 

Isabelle, La Louve

Saint-Élie-de-Caxton, 21 avril 2025

 

Semaine 4

Du 21 au 29 avril 2025

Mardi, mercredi. Très tôt levée, je m'attaque à compléter les histoires qui me résistent encore. Alice a enfin trouvé son erre d'aller. Ce qui restait insaisissable m'apparait plus clairement ce matin. Quelque chose d'évident qui m'avait échappé jusqu'à maintenant s'impose à mon imaginaire.

Une marche au sommet du calvaire me permet de prendre l'air.

Je retourne aussi par le cimetière pour un clin d'œil, et pour déposer quelque chose sur la pierre de l'ami conteur des étoiles.

Je prends du temps pour des lectures de tout l'enchaînement à voix haute. J'ai renoncé à me passer de mes feuilles. Les images s'installent, mais j'ai encore besoin de mes repères pour ne pas me perdre en chemin. Je prends conscience que de toucher à un contenu qui a une part ancrée dans l'histoire apporte d'autres exigences. Mais les personnages sont là, je les sens présents dans la pièce. Ils m'habitent tout au long de la journée. La lecture à voix haute me permet aussi de cibler des passages à retravailler.

Jeudi. Encore tôt levée, je mets les bouchées doubles à retravailler certains passages. Céline arrive cet après-midi. Elle va pouvoir apporter un premier regard sur ce que j'ai fait.

Ça me rassure qu'elle puisse rester avec moi jusqu'à dimanche matin. Je l'accueille, on parle beaucoup. Mais ce n'est pas du bavardage, nos sujets de conversation touchent de près à ce qui motive et sous-tend ma démarche avec ce projet. Je réalise que c'est mon projet le plus personnel, plus profondément ancré dans ma démarche et mes préoccupations. C'est celui qui me ressemble le plus. Je vois que mes intentions de départ ont su me mener dans la direction que je souhaitais prendre. Tout le travail et l'intensité que j'y ai mis pendant les dernières semaines n'ont pas été vains.

Je fais une lecture pour que Céline entende ce que j'ai travaillé. Ses commentaires enthousiastes et ses notes précises vont me permettre d'ajuster des détails et de me sentir en confiance pour livrer cette première version, samedi soir.

Vendredi. Dès 5h30, je suis plongée dans la réécriture de certains passages. Céline a débusqué certaines incohérences, ciblé les redites, et identifié les images plus floues de mes histoires. Ses commentaires me permettent de remanier de bons bouts de textes, de choisir plus précisément ce que je veux évoquer et de clarifier des passages importants.

Elle a préparé une séance d'exercices doux qui me permet, par la visualisation et de l'exploration vocale, de me préparer mieux le corps et l'esprit pour la rencontre de ces histoires avec un auditoire, demain.

Samedi. C'est ce soir !! Au lever, je repasse les histoires.

Je suis prête. Je prends le temps d'abaisser mes attentes: ce partage du travail en cours avec les gens de Saint-Élie devrait me permettre de valider mes intuitions, de voir mieux ce qui marche et ce qui accroche. Je me dis que je serai contente si j'ai une douzaine de spectateurs.

Samedi soir. Je suis si excitée que ce moment arrive enfin. J'aime tellement ce moment de conter. Même si j'ai mes feuilles, je sais que la conteuse prendra le dessus quand elle aura du monde devant elle.

Je suis surprise: la place est pleine! Une quarantaine de spectateurs de tous les âges. Il y a des alliés dans la yourte: Nadyne Bédard est venue depuis Longueuil, le conteur Guy Duchesne est également là et Maude Leduc-Préfontaine, du c.a. du RCQ est venue depuis les Trois-Rivières. C'est bon de se sentir appuyée pour cette première sortie! Plusieurs visages que je reconnais, d'autres nouveaux. Il y a une rangée remplie de jeunes devant.

De quelle merveilleuse écoute j'ai pu bénéficier! La configuration de la yourte et le fait que les propriétaires arrêtent le service pendant le conte permettent de me faire entendre facilement sans amplification. Le public attentif me donne des ailes et je me sers de mes feuilles plus comme un rappel.  Je réalise que je sais mieux que je le croyais où je m'en vais et que je possède déjà bien cette matière nouvelle. Les images me viennent, claires. Les réactions sont bonnes, les rires me surprennent, je vois aussi des larmes au coin des yeux, l'émotion passe. Les histoires réussissent à capter l'attention. Des applaudissements nourris et spontanés, les gens se sont même levés! J'ai oublié d'apporter feuilles et crayons pour recueillir les commentaires, mais plusieurs prennent le temps de venir me voir pour me dire ce qui les a touchés.

Dimanche. Avant le départ de Céline, nous revenons sur la veille. Elle m'aide à réfléchir aux choix à faire pour la suite, aux dimensions que je veux donner à ce spectacle et y va de conseils avisés.

Lundi, je prends du temps pour commencer à transcrire ma version manuscrite. Je reçois un message de Hélène, une alliée du conte. Elle me fait cadeau d'un très beau et détaillé texte d'appréciation critique de la soirée. Une visite de Joanne avec qui j'ai une nouvelle belle occasion d'échanger. Nous parlons de la place du merveilleux et de l'imaginaire si importante en ces jours. Je retourne marcher sur le sentier. Le beau temps a réveillé la nature et les odeurs sucrées d'un printemps qui est enfin bien installé.

Mais ce n'est pas tout à fait terminé, puisqu'une deuxième sortie de résidence est prévue vendredi à Yamachiche, un lieu important dans mes histoires!

_____________

Ce matin, je fais mes valises. Cet après-midi, je retourne à la maison. Quelle incroyable aventure que ce mois consacré à faire naître cette nouvelle création. Saint-Élie-de-Caxton est un berceau magique pour le conte. J'y ai rencontré des gens de cœur ouvert, d'oreille tendue et de langue déliée. Je m'en retourne avec l'idée de revenir le plus souvent possible.

Je m'en retourne aussi avec ces histoires que j'ai pu broder en suivant cette urgence qui m'habitait de suivre ce filon. J'ai maintenant une matière solide, bien attachée, à partir de laquelle je pourrai travailler dans l'espace, dans le jeu, dans le son et la lumière même, peut-être, ce spectacle qui n'était encore qu'un concept, quelques idées et des pages de recherche en arrivant ici.

Je suis fière du travail accompli en un mois. Contente aussi de m'y être bien préparée. Et tellement ravie par l'accompagnement tangible, bienveillant et si attentif de Céline Jantet. Plus qu'une marraine, finalement, elle a agi à la manière d'une sage-femme ou d'une doula. Merci, Céline, pour ton intelligence, ton écoute active et ta sensibilité.

Et j'entends bien mettre du temps pour que cette création puisse évoluer et prendre corps, et faire mouvement. Cette résidence a été une occasion unique pour moi. L'hypothèse de la grand-mère entre dans une autre phase de création dès ce printemps!

 

Isabelle, La Louve

Saint-Élie-de-Caxton, 29 avril 2025

 

 

 

 

 

 

8 avril 2025